Les derniers des branleurs

 


       L’année du bac, des grandes décisions, de Parcoursup, des promesses aux parents et aux copains, des soirées à faire et des souvenirs à se fabriquer, des rêves à se forger. Sauf pour Minh Tuan, Chloé et Gaspard. Le premier est le fils d’un couple aisé mais où s’aimer n’a plus vraiment de place. La seconde mord et vitupère sans arrêt, tout plutôt que paraître sensible. Le dernier porte encore le deuil de sa grande sœur, l’habille de cheveux bleus et de questions existentielles comme « Tu accepterais qu’un type te pisse dessus chaque matin pour mille euros par jour ? ». A ce trio s’ajoute Tina, loin d’être seulement la pièce rapportée par l’année scolaire. Réfugiée congolaise, seule en France, les trois amis l’intègrent à ce plan délirant : celui d’avoir leur bac alors qu’ils sont, selon une prof, selon le monde entier, les derniers des branleurs.


       Avec une plume acérée et un ton unique, Vincent Mondiot nous intègre à ce groupe d’amis où rap, manga et vidéos se perdent dans la fumée des cigarettes et du shit, dans les soirées et les gobelets de lean. Loin d’être un texte sur une adolescence en crise ou révoltée jusqu’à l’ulcère, le roman nous fait escalader la crête difficile d’un âge où on rêve d’être libre du jugement des autres mais où on scrute les réseaux sociaux pour se rassurer, où on rêve d’insouciance mais où les responsabilités nous tombent dessus. Les derniers des branleurs, ce sont des gamins qui n’osent pas exister, parce qu’après tout, la fin du monde arrive, et qu’ils n’y peuvent rien. Des gamins qui pensent qu’on les déteste, et qu’une place pour eux, il n’y en a pas. Les notes qui accompagnent le récit livrent parfois les confidences les plus intimes des personnages, empreintes de mélancolie et de solitude, et deviennent presque essentielles, car comme Orelsan le rappelle : « Si t’as l’impression que personne te comprend, c’est parce que personne te comprend (…) Comment leur en vouloir tu t’comprends pas toi-même ». Le roman dévoile une grande sensibilité, entre le chahut et les insultes, le silence de cette banlieue comme vide de vie et d’audace.



      A partir de 15 ans, Les derniers des branleurs, de Vincent Mondiot, éditions Gallimard Jeunesse, collection Pôle Fiction, 2022, 416 pages, 8 euros 20.

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