Ton absence

 


    Faire pause. Mettre le film à l'arrêt et repartir au début. A l'instant de l'apparition. Quand l'autre monte dans le bus et se découvre pour la première fois. Choc visuel. C'est ainsi  que Léopold débute son récit qu'il adresse à Matthieu, ce garçon qui au moment de l'écriture n'est déjà plus là. Celui qui aurait pu, qui aurait dû lui tenir la main. Sauf qu'en l'espace d'une semaine, ce coup de foudre ne se déploie pas dans le ciel infini du Cézaller - merveilleux paysage cantalien - comme il le devrait. Car il y a les autres, ceux qui forment La Coterie, ce gang, ce club, cette bande à laquelle Léopold appartient et qui veut, en une semaine, décrocher son BAFA. Sept petits jours qui suffisent pour tout changer, sept petits jours dont l'ombre géante dessine une absence douloureuse. 

    La plume de Guillaume Nail s'offre mille détours, mille arabesques. Des vers libres au langage cru, de la poésie aux dialogues vrais, de la banalité au lyrisme, les pages sont habitées par les pensées où s'entrechoquent les souvenirs, émus/vibrants/éprouvants. Les sensations brutes, premières, fortes ressenties par le héros s'alanguissent sans retenue à l'image du décor où se déroule le stage de ces jeunes grisés par leur insouciance, leur connerie, leur candeur, leur spontanéité, leurs blagues à deux balles, leur homophobie. Et dans ce maëlstrom de sentiments, l'envie d'envol et d'amour est empêchée par l'appartenance au groupe qui se déchaîne pour faire ployer et retenir. Ne reste à Léopold qu'une mémoire plombée de regrets, aux ailes tronquées. Une désillusion belle et mordante. 


    A partir de 13 ans, Ton absence, de Guillaume Nail, couverture de Marta Orzel, éditions Le Rouergue, 2022, 153 pages, 12,80 euros. 


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