Les Longueurs

 


Alice a huit ans. Elle vit avec sa maman depuis que son père a pris l'avion pour les Etats-Unis. Pour combler l'absence paternelle, Mondjo est là. Ce meilleur ami de sa mère, prof d'escalade, prend la petite fille de 8 ans sous son aile. Une aile, qui très vite, prend la forme d'une toile d'araignée, la couleur d'un linceul. Car l'enfant, éprise de cet homme si gentil, subit vite ses caresses, avant d'être violée, maltraitée, menacée... Tout cela dans l'ignorance de celle qui l'a mise au jour, convaincue de la présence uniquement bienveillante de celui qu'elle finit par considérer comme un amour. Alice, qui voit son amant volé par sa mère, ne peut en supporter davantage : ni la trahison de Mondjo, ni la souffrance qu'il lui a fait endurer. Elle a 15 ans. 

Ce roman est dur, cru, violent, dérangeant. La très jeune héroïne de Claire Castillon passe par toutes les étapes de l'emprise que fait peser sur elle un homme qui pourrait être son père. Le silence, le secret, les promesses, les sourires... il ment à toutes les étages, mais si bien, qu'il endort la vigilance d'une mère fusionnelle, d'un père aimant mais trop absent, d'une enfant avide de tendresse. De quoi poursuivre son œuvre de destruction pendant des années. Le livre, construit en chapitres courts, alterne les âges d'Alice. En se glissant dans sa peau, dans sa tête, dans ses mots, l'autrice mélange avec aisance l'enfance et l'adolescence, n'offre finalement au lecteur qu'une vision douloureuse de la même torture. Qu'elle ait 8 ou 15 ans, Alice est une victime faussement consentante. D'un style heurté, syncopé, la lecture avance sans rien passer sous silence, sans oublier les autres victimes, ni l'aveuglement maternel. La lucidité que la romancière offre à son héroïne est cependant d'abord la sienne. En posant et enfonçant sa plume ciselée dans chacune des entailles provoquées par chacun des attouchements du coupable, elle touche juste et fort. 

Il est à craindre cependant - mais on lui souhaite tout le contraire -  que l'objectif visé, appuyé par la lettre finale du Docteur Béatrice Gal - à savoir que ce livre soit lu par les adolescentes, et même les plus jeunes -  soit difficile à atteindre. L'écriture, déroutante, risque d'en laisser beaucoup à la lisière des premières pages... Les adultes seront sans doute plus réceptifs, à l'image des succès des ouvrages sur le sujet parus ces derniers temps. 



A partir de 14 ans, Les longueurs, Claire Castillon, collection Scripto, éditions Gallimard jeunesse, 184 pages, 10,50 euros. 

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