Béatrice


Béatrice travaille dans un grand magasin. Là, au rayon accessoires, elle vend des gants à des inconnus. Ces inconnus qu'elle croise, frôle, talonne dans la course effrénée de la mégalopole où les destins se heurtent du matin au soir, dans les couloirs d'une gare ou au croisement des rues bondées. Béatrice vit seule, avec son chat, et effectue tous les jours le même trajet pour rejoindre son boulot, anonyme parmi les anonymes. Jusqu'à l'instant où son regard se pose sur ce sac rouge comme son manteau, abandonné au pied d'une colonne. Il semble qu'elle est la seule à le voir, et que lui n'attend et n'appelle qu'elle. Elle finit par succomber au démon de la curiosité et découvre un album photos. Tout un amour se dévoile sous ses yeux. Remontant la piste des lieux photographiés, elle va enquêter sur le couple enlacé... Une obsession dans laquelle elle va basculer corps et âme.

Quel ouvrage magnifique que cette bande dessinée sans paroles ! Les illustrations, ici, fécondent une narration pleine de  mystères où le lecteur se laisse entraîner avec une délectation renouvelée de page en page, de planche en planche. Car les couleurs chaudes, les atmosphères urbaines, les lumières scintillantes transportent dans un univers à tiroirs. Une mise en abîme de cette femme rêvant d'une autre existence, prête à s'oublier pour s'ouvrir à un nouveau destin. Aussi beau qu'envoûtant, le récit mutique de Joris Mertens évoque avec brio "l'ultra moderne solitude", parle aussi de ces photos des autres qui font tant envie, quitte à passer à côté de sa "vraie vie". Et si le récit se déroule dans les années d'un autre siècle, le parallèle est inévitable avec les réseaux sociaux d'aujourd'hui. Quant au trait, il donne à admirer un décor urbain absolument magistral ! Une vraie réussite associée à un plaisir de lecture incomparable !


A partir de 12 ans, Béatrice, Joris Mertens, éditions Rue de Sèvres, 111 pages, 19 euros. 

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