Speak
Melinda, 15 ans, fait sa rentrée au lycée. Hésitante, sur la réserve, elle avance dans un monde d'où, d'emblée, elle se sent exclue. Pas assez comme ça, trop comme ci. Pas à sa place. Les images qui la dessinent, silhouette frêle dans un monde trop dur, sont d'une beauté glaçante. Cet univers noir et blanc, qu'Emily Caroll a choisi pour faire évoluer l'héroïne du roman de Laurie Halse Anderson, est un écrin magistral à sa douleur. Car cette adolescente cache sous ses silences et au creux de sa solitude une profonde déchirure.
La lecture chemine dans le déni, dans une avancée pleine de chausse-trappe, où elle glisse parfois et nous laisse entrevoir lentement ce qui la craquelle si fort. Puis ces flash backs qui résonnent au milieu des planches, réalistes et puissantes, qui happent et font vibrer les mots qui s'échappent comme des aveux avant qu'ils ne deviennent enfin des armes pour se défendre, pour revenir à la vie, pour quitter la planque où elle trouve refuge et qui n'est qu'une cellule dont elle doit s'échapper.
Cette jeune fille aux mots volés par le viol trouvera une issue, grâce à des cours d'arts plastiques où ses dessins appellent au secours ; grâce aussi au désir de dénoncer celui qui ne doit pas recommencer... Ce magnifique roman graphique est une plongée en apnée dans l'ignominie de l'agression sexuelle, de ses conséquences sans fin. Mais c'est aussi l'innocence retrouvée, la culpabilité expulsée, l'espoir de retrouvailles avec soi-même, la libération de la parole, comme une renaissance.
"A tous ceux qui cherchent leur voix et qui accèdent à leur pouvoir"
A partir de 13 ans, Speak, Emily Carroll d'après le roman de Laurie Halse Anderson, éditions Rue de Sèvres, 379 pages. 20 euros.
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