Âge tendre


  


Valentin vient de finir sa 3e et comme le dit la circulaire présentée en première page, il va devoir faire son Serci (Service civique) dans une autre région que la sienne.
Evidemment il n'est pas du tout envoyé là où il le souhaitait et pour Valentin, c'est une épreuve. En effet, on le comprend sans que les mots soient écrits par l'autrice, Valentin est atteint de troubles autistiques.
Valentin est donc envoyé dans les hauts de France dans une unité mnémosyne (comprendre une maison de retraite particulière qui propose aux résidents un espace totalement décoré et pensé selon une certaine époque), pour Valentin, ce sera une plongée dans les années yéyé, les années 60-70.
Durant cette année très particulière Valentin va faire beaucoup d'expériences, passer de l'enfance à la grande adolescence, une évolution autant perturbante qu'épanouissante. Sur son chemin, des personnes vont le faire grandir, en premier lieu, sa tutrice Sola Perré, mais aussi ses colocs de Serci, un mélange de personnalités et d'origines dont la riche diversité va aussi révéler Valentin à lui même. Et puis, ce sera la découverte de passions libératrices : la guitare et Françoise Hardy.

Il est très difficile de résumer ce fabuleux roman qui traite de tant de sujets avec légèreté et profondeur : la vieillesse, l'amour, la famille, l'amitié, la vie, la mort...
Le choix de la narration sous forme de rapport, celui du Serci de Valentin apporte à la fois une distanciation, amplifiée par les traits neuro-atypiques de Valentin (qui présente les situations sur une échelle d'angoisse de 1 à 10 et comme étant négatifs, neutres ou positifs) et une proximité des personnages.
L'empathie de Valentin grandit au fur et à mesure de l'histoire tout comme la nôtre pour lui.
Les petits tacles à l'Education Nationale et à Parcoursup, à la politique en général donnent de la profondeur au roman, et alimentent le récit d'une drôlerie charmante comme seule Clémentine Beauvais sait le faire.

Un roman très original, très touchant et surtout très positif, qui fait du bien au moral.

Gros coup de cœur !


Le grain de sel de Clémentine

En voilà un roman incroyable. Le lecteur d'abord déboussolé par la forme et l'écriture qui peut se montrer assez sèche et répétitive, finit par se prendre au piège de cet ado étrange, de plus en plus attachant. Et c'est comme une liane qui s'enroule autour du cœur au fur et à mesure qu'on déchiffre ce rapport de stage à nul autre pareil et qui n'en finit pas. On s'énerve, on s'agace, on s'ennuie parfois aussi et soudain, au détour d'une page, c'est l'éblouissement. Par ses images, ses mises en pages, ses impressions, la lecture s'émerveille. Les yeux sont éblouis par la lumière des phrases. 

"...préserve oh je t'en supplie préserve cet amour d'une nuit d'été sur le toit tiède où le phare de la tour Eiffel venait crayonner nos visages, souviens-toi de nous serrés l'un contre l'autre dès que la foule se disperse ou qu'on trouve un endroit où personne ne respire, garde les soirées cinéma aux films à peine regardés, garde les retrouvailles qui jettent de nouveau nos ancres dans l'existence et stocke quelque part les petits cadeaux de rien - un coquillage dont les couleurs rappellent ceci ou cela, un livre chiné, un stylo rigolo, une boîte de pansements Nemo."


On referme le roman avec l'impression d'avoir vécu une drôle d'année adolescente, d'avoir creusé une brèche où s'infiltre un langage unique et qui inscrit en nous une pensée nouvelle. Hachée parfois, premier degré souvent, émouvante assurément, attachante en diable surtout. Et puis on lâche la main de Valentin, une chanson de Françoise Hardy au fond du cœur : 

Tu pourras repartir au fin fond des nuages
Et de nouveau sourire à bien d’autres visages
Donner autour de toi un peu de ta tendresse... 





A partir de 13 ans. Âge tendre, Clémentine Beauvais, Sarbacane, collection Exprim', 2020, 392 pages, 17 euros. 

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