Le jour où je suis mort, et les suivants

 


Lenny n'arrive pas à faire face et cherche à s'effacer. En silence. Sans se plaindre. Mais malgré ces signaux, forts et désespérés, personne ne semble vouloir savoir pourquoi. Alors il se tait et continue entre honte et colère. Obligé de côtoyer et subir celui qui lui fait espérer la fin. 

Biscotte, lui, ne veut plus entendre son prénom, adopte ce surnom et crache sa rage sur les lignes d'un cahier, retranché dans sa chambre à double tour. Cette soirée où tout a basculé l'enferme en un huis-clos ravageur. 

Saphir nage comme un forcené pour oublier les gestes de celui qui devait l'aider à se dépasser. La natation pour seul recours, alors que c'est à cause de ce sport que l'innommable est arrivé, grâce auquel aussi il fait la fierté de ses parents. Dilemme insoluble qui le ronge. 

Esteban s'en est sorti, à force de temps, de courage, d'erreurs et de paroles. Surtout de paroles... celles qu'il partage désormais avec les jeunes qu'il rencontre pour les inviter à libérer les leurs. Ces mots enfouis qui consument lentement mais sûrement leurs vies violées.  

C'est un ouvrage de témoignages fictifs et terriblement réalistes que livre Sandrine Beau avec ce texte choral où les voix s'entrecroisent autour d'un même crime, le viol, qui a de multiples visages. Le parcours de ces enfants-ados victimes de bourreaux sans scrupules offre un formidable outil pour ouvrir la voie (la voix). De quoi briser un silence bien trop lourd à porter et oser dénoncer des actes destructeurs. 


Le grain de sel de prune


Récit à quatre voix, celles de Lenny, Saphir et Biscotte, trois jeunes ados terrorisés, et Esteban, 35 ans et jeune papa, mais qui a été un de ces trois ados là, voire un peu des trois.

Ces quatre voix sont des voix brisées par les violences sexuelles qu’ils ont subies d’un proche de la famille, d’un entraineur sportif ou d’une mauvaise rencontre. Le personnage de Lenny extrêmement bouleversant déconstruit tout le mécanisme de l'emprise et de l’enferment sur soi jusqu’à l’envie de mourir.


J'ai beaucoup aimé aussi le personnage d’Esteban (j’avais vu le témoignage de Sébastien Boueilh justement il y a peu) car il montre les ravages d’un tel secret enfoui et qui resurgit forcément. Et aussi, car il est le pivot de chacune des histoires au fond, il est Lenny, il est Saphir et il est aussi Biscotte, il est celui qui libère la parole.

Sandrine Beau a choisi des personnages masculins et c’est très malin, car comme le dit Biscotte  "ça n'arrive pas aux garçons ce genre de choses. Et ça m'est arrivé", cela les autorise à se poser des questions, souvent tabous, sur leur future sexualité.


Sandrine Beau a le talent de donner vie à ses personnages, à les animer sous nos yeux, à nous faire ressentir leurs peines et leurs peurs. La tension est présente tout au long du livre, à tel point que l’on lit presque en apnée.


Un roman certes utile mais surtout puissant et terriblement bouleversant.


                                                       


A partir de 15 ans, Le jour où je suis mort, et les suivants, Sandrine Beau, Collection Tertio, éditions Alice jeunesse, 163 pages, 12 euros. 


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